Les hommes et les femmes devraient avoir tous les deux le droit d'être sensibles. Les hommes et les femmes devraient avoir tous les deux droit d'être forts. Il est temps de considérer le genre comme un spectre et non plus comme deux idéaux opposés. Emma Watson
Cet article est le témoignage d'Alexia, 16 ans, membre de notre école, interrogée par Clara, encadrante à l'école. Les images, liens et citations ont été choisies par Alexia.
Est ce qu’il y a un sujet qui te tient à coeur et dont tu aimerais parler dans cet article ?
J’ai envie de parler du sexisme fait aux femmes et du harcèlement de rue. J’aimerais dire qu’il n’y a pas d’égalité homme-femme en France et que dans d’autres pays c’est encore pire. Mais je trouve qu’en 2019 les femmes ne sont pas assez libérées.
Par exemple, une femme qui est toute seule, elle va facilement se faire harceler, en une heure, elle va se prendre 5 réflexions. Quand tu es accompagnée ça va, mais quand tu es toute seule tu peux vite avoir peur, il y a des filles qui changent de chemin, je trouve cela pas normal, qu’elles doivent changer leur comportement. Que tu mettes un pantalon ou une jupe, t’es toujours une… voilà tu m’a comprise. Et puis par exemple, ya des jeunes filles qui se prennent des réflexions, je trouve ça très jeune, à 10 ans tu es une enfant. Et puis déjà petites on est éduquées à ça, on nous dit de faire attention pour sortir ou on ne nous laisse pas sortir, alors que les garçons peuvent sortir, je ne trouve ça pas normal. Pourquoi on n'empêcherait pas les garçons de sortir pour réduire les risques pour une fille de se faire embêter ? Que tu sois dans la rue, dans le collège… J’ai à peine 16 ans et je me demande : mais quand est-ce-que ça va s’arrêter ?
Tu parles d’enfant mais c’est quoi pour toi un adulte ?
Un adulte, c’est quelqu'un qui prend des décisions importantes et qui doit respecter toute personne. Homme, femme et enfant. Et qui ne doit pas dire “tu es petit, tu ne peux pas comprendre ça.” Moi j’ai souvent entendu ça dans mon enfance, “non tu es petite” “non tu es une fille”... Un enfant ça peut prendre des décisions importante aussi, et justement, on ne fait pas assez confiance aux enfants. Parfois on dit “ne te comportes pas comme un enfant”. Comme si l’enfant c’était quelqu'un d’idiot, ou quelqu'un d’irrespectueux. Parfois, ils sont plus matures que d’autres enfants et même que des adultes. Alors mature, ça veut tout et rien dire. Par exemple ça veut dire être autonome, savoir prendre des décisions seul. Ça veut aussi dire que la personne a plus d’expérience.
Parfois on dit que les filles sont plus matures que les garçons, comme si elles étaient plus autonomes. Mais certaines filles ne sont pas autonomes, ou sont autonomes sur des sujets différents et c’est pareil pour les garçons. Ça m’énerve d’entendre encore des préjugés comme ça…
Tu parles de préjugés sur les filles et les garçons, tu peux m’en citer ?
Par exemple on dit que les garçons ne doivent pas pleurer et que les filles supportent plus la douleur. Ou alors que les filles mettent plus de temps à se préparer le matin, ce qui est faux. Ou encore sur des activités : il y a des activités pour les hommes ou pour les femmes. Par exemple, quand tu es une femme tu dois montrer que tu es au niveau de ce que les hommes du groupe te demande d’atteindre. Moi je suis super fan de football, je connais tout sur tout, mais les garçons à qui j’en ai parlé m’ont toujours testée “Ah ouai et tu connais ceci ? Et ça tu le savais ?” Comme si je devais passer un test d’entrée dans le groupe et être parmi les meilleures si je voulais être acceptée.
Qu’est-ce-que tu fais pour éviter ces préjugés ?
En parler. J’en parle tout le temps autour de moi, j’encourage les filles autour de moi à en parler, à oser. Parfois, j’entends des garçons me dire “Oh mais ça va, tu te prends deux ou trois remarques et tu laisses couler, c’est bon…” alors que je suis certaine qu’ils ne tiendraient pas une journée, qu’on se frotte à eux, qu’on leur fasse des réflexions…
Après, on peut faire d’autre choses, oser changer de métier, faire des métiers où on ne voit pas des femmes habituellement. Par exemple dans la politique, il n’y a pas beaucoup de femmes, les médecins, c’est souvent des hommes, on dit souvent “des maîtresses d’école et le directeur de l’école” aussi…
On n’est plus dans l’ancien temps, au Moyen Age, où la femme restait à la maison, elle faisait le ménage - même si ça existe encore !- et ne disait rien. Malheureusement, certains voudraient que cela soit encore comme ça, c’est pour ça que c’est plus dur d’accéder à certains métier.
Malheureusement, quand les femmes s’expriment parfois, on les traite de “féministes” avec du mépris. Pour moi, la femme ne doit pas fermer sa bouche, elle doit s’exprimer ! Ça fait 2 / 3 ans que je suis féministe et des fois on me dit “tais-toi, t’es féministe” quand j'interromps une conversation de jeunes de 12 ans, ou des amis à moi qui traitent la femme comme un bout de viande. Et j’ai les oreilles qui saignent (rires).
Est-ce que tu trouves que c’est facile de parler dans notre société ?
Non. Parce-que peu de personnes comprennent ce que c’est. Je ressens, un problème d'égoïsme. Et puis, pour une femme c’est parfois plus compliqué que pour un homme parce-que dans un groupe, une réunion, un repas de famille, l’homme coupe parfois la parole à la femme. Même dans la politique, les femmes se font insulter, ou on dit qu’elles sont froides, ou au contraire qu’elles se laissent guider par leurs émotions.
Depuis qu’il n’y a plus Simone Veil, on n’entend plus de femme parler devant des hommes, et honnêtement c’est quelque chose que j’aimerais faire. Quitte à me faire insulter. J’en ai juste ras-le bol que ça ne change pas.
J’aimerais ouvrir une association de défense des droits des femmes. Là, je viens d’ouvrir un compte instagram qui recense des témoignages des femmes qui ont reçu des remarques dans la rue, des faits de harcèlement.
Placement de produit ;) Abonnez-vous à l’instagram Stopharcelementde : https://www.instagram.com/stopharcelementde/
Tu voudrais dire un mot pour la fin ?
Je pense qu’il serait intéressant que plus d’hommes se rallient au combat des femmes. J’en ai déjà vu qui défendent les femmes. Je peux comprendre que certains n’osent pas intervenir dans la rue, mais je leur demande d’imaginer ce qu’ils auraient fait si ça avait été leur enfant. S’ils se posent cette question, ils vont intervenir. Des fois juste dire à une personne “Ça va ? Tu veux que je t’aide ?” ça donne confiance, ça donne le sourire et ça rassure.
Tant qu'il y aura des femmes discriminées en raison de leur sexe, je serai féministe. Leila Slimani