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Photo du rédacteurBlog Ecole Nikola Tesla

Devenir adulte : confiance en soi, souhaits pour l'avenir - Témoignages de Morgane et Marie-Lyna

Dernière mise à jour : 23 nov. 2019




Clara, encadrante pédagogique, s'entretient avec Morgane (17 ans) et Marie-Lyna (15 ans).  

Clara à Morgane : Comment es-tu arrivée à l’école Nikola Tesla ?

Quand j’étais en 3ème, j’ai voulu arrêter l’école et je voulais être descolarisée mais mon père n’a pas voulu. J’étais en échec scolaire total, je n’avais pas des bonnes notes. Quand je suis arrivée en seconde, j’ai été descolarisée suite à une phobie scolaire et une dépression.

Du coup, j’ai parlé avec ma mère qui m’a parlé d’écoles démocratiques et j’ai négocié pour faire deux semaines d’essai à l’école Nikola Tesla.


Clara à Marie-Lyna : Et toi Marie-Lyna ?

Moi c’était il y a deux ans, j’étais en quatrième et cela faisait déjà quelques années que je me faisais harceler… en fait depuis le CP.

Et depuis le collège je n’arrivais pas à me concentrer, je ne m’entendais pas vraiment avec certains professeurs, j’avais l’impression qu’ils voulaient se débarrasser de moi. Du coup je suis allée dans l’école démocratique Dé-couverte et pendant quelques mois, ça m’a complètement changée. Mais je me sentais seule, il n’y avait que des petits. Je vous ai rencontrés quand vous êtes passés à Vaugneray et ça m’a donné envie d’aller dans votre école.


Qu’est ce qui t’as marqué les premiers jours où tu es arrivée à l’école ?

Les premiers jours j’étais un peu timide, mais je voyais que tout le monde rigolait tout le temps, et je trouvais ça trop génial. Il y avait vraiment tous types de personnes qui rigolaient ensemble et je n’entendais pas des gens qui critiquaient, à l’inverse du collège : c’était vraiment plus sain.

Petit à petit je me suis “incrustée” et maintenant c’est mon quotidien.


Clara à Morgane : Et toi Morgane ?

Quand je suis arrivée j'étais un peu comme Marie-Lyna et je restais dans mon coin.

Petit à petit, y a plein de gens qui sont venus me parler, on parlait de plein de sujets différents avec plein de gens différents et en fait ce que j’ai le plus aimé, c’est  qu’il n’y avait pas de différence d’âge. Des fois tu ne savais même pas l’âge de la personne avait qui tu parlais et je trouvais que j’avais des conversations super intéressantes et enrichissantes. uTte faisais plein d’amis super facilement, alors que dans les écoles normales des fois c’est super dur. Là c’était à la bonne franquette, tout le monde s’amusait tout le temps, il n’y avait pas le poids de se dire “Est ce qu’ils pensent du bien de moi ?”.

Ici c’est plutôt : “on est là pour s’amuser et s’aimer quoi” !


C’est quoi pour toi la confiance en toi ?

C’est pas un truc qui s'acquiert, c’est toute ta vie que t’apprendras à avoir confiance en toi et tu auras toujours des périodes ou tu n’auras pas confiance en toi. Je pense que dans l’adolescence, tu te rends compte que c’est difficile de l’avoir.

C’est aussi une question d’environnement et de capacité à être soi-même. Par exemple quand je suis chez moi, je me sens bien, je sais que je peux être moi-même, du coup j’ai confiance en moi. 


Clara à Marie-Lyna : c’est quoi pour toi la confiance en toi ?

Je pense que la confiance en soi c’est en plusieurs étapes, et c’est super compliqué : t’es jamais vraiment sûre de toi, il y a toujours une part de doute. Et il le faut, ça fait aussi partie de la vie d’avoir des doutes, c’est normal.

Pour avoir plus confiance en moi, j’ai commencé par le physique : c’est à dire j’ai essayé de comprendre ce que je n’aimais pas chez moi physiquement, et je n’ai pas arrêté de me comparer aux autres. Mais petit à petit, je me suis rendue compte que même si j’arrivais à contrôler certaines choses, ça ne changeait rien à ma vie, c’était plutôt le regard que j’avais sur moi. Par exemple là, je me laisse pousser les poils des jambes : au début je me disais, “Mais tout le monde va le remarquer…”, j’étais mal à l’aise et au final, personne ne m'a jamais dit quelque chose, je n’ai jamais eu de commentaire ni rien. Il y a juste des petits qui posent des questions “Pourquoi tu as des longs poils ?” mais ça fait aussi écho à la manière dont ils sont élevés.


Morgane : je me permets juste d’intervenir. Ce que tu expliques, je trouve ça super que des enfants puissent le voir, parce que ça leur montre qu’une fille qui a des poils ça existe, c’est normal !


Marie-Lyna :

Après, j’ai essayé de connaître mes goûts, de comprendre ma personnalité.

Comment ? En m’intéressant à des gens différents de moi, pour comprendre les ambiances que j’aime, pour savoir quels sont les moments que j’ai envie de passer dans ma vie. Je trouve ça important d’être avec des gens qui sont différents de soi.

Et ne jamais oublier que si tu veux oser faire quelque chose, les gens vont surtout se souvenir du fait que t’as osé le faire plutôt que du fait que tu n’as jamais osé, rien fait, pas pris de risque.


Clara à Morgane : Quelle différence fais-tu entre la confiance en soi et l’estime de soi ?

L'estime de soi, c’est une question de savoir doser, savoir te juger toi-même : “Quelle est ta valeur ?” “Quelle est la valeur que tu donnes ?

Il y avait une époque où mes potes n’arrêtaient pas de me dire que j’étais tout le temps en train de me juger, de me dénigrer : je n’avais pas d’estime de moi. Du coup j’avais mis dans un pot toutes les choses que j’aimais chez moi, et quand ça n’allait pas, je sortais un papier du pot en me disant “Ah ça va finalement, je ne suis pas quelqu’un de si mauvais que ça”. Et j’ai l’impression que comme on se compare souvent aux autres, on oublie qui on est, qu’on est quelqu’un de bien.


Clara à Marie-Lyna : comment tu réagis face à un environnement qui te décourage du style “Tu vas jamais y arriver.”, “De toute manière tu vas te planter.

J’essaie de m’éloigner des personnes qui me donnent l’impression que je ne vais pas réussir à faire des choses. Alors, forcément dans ta famille, tu peux pas t’éloigner des gens qui sont comme ça, surtout si tu es mineure… du coup quand je suis toute seule, je pense à mes objectifs, je me demande comment je vais les atteindre, j’imagine mon parcours. Par exemple, j’ai remarqué que, imaginons, j’ai envie d’habiter à Paris : ça c’est mon objectif. Pour habiter à Paris, il faut que je pense comme si j’habitais déjà à Paris : j’imagine les transports en commun que je prends, je me projette et ça me permet d’y croire. Donc même si les gens me disent que je ne vais pas y arriver et/ ou qu’ils me le font savoir, dans ma tête, je sais que c’est moi qui décide de ce que je fais, puisque c’est moi qui pense et c’est moi qui fait en conséquence.

Avant je croyais tout ce que les gens me disaient alors que maintenant, plus du tout. Et justement, de croire en moi, fait que je ne vois même plus ce genre de commentaires.


Clara à Morgane : et toi Morgane, quand ça ne va pas, tu te dis quoi pour te rassurer ?

Je sais que quand j’ai arrêté l’école, ma mère m'a demandé de faire un carnet ou je notais tous mes rêves. Les jours où je me dis que la vie c’est pourri, que j’ai envie d’abandonner mes rêves, je regarde mon carnet et ça me redonne espoir et je me dis que finalement dans la vie, des fois tu réalises des rêves sans que tu t’en rendes compte, comme le disait Marie-Lyna.

Avant je voulais un tatouage, je me disais que de toute manière j’allais devoir attendre jusqu’à mes 18 ans… et en fait, à 16 ans finalement je l’ai eu quoi !

Faut juste se donner les moyens… Se donner les moyens, pour moi ça veut d’abord dire que tu te lèves le matin et t’arrives à te dire “Je vais y arriver” et tu y crois. D’arriver à se dire “Que ma journée soit bonne ou moins bonne, je la laisse venir”.


Tu parlais de jugement tout à l’heure, quel est ton point de vue sur les différences d’âges et les jugements qui en découlent ?

Quand j’étais petite, j’étais déjà la fille qui traînait avec les plus petits qu’elle, pourtant j’étais assez mature et aux repas de familles je restais avec les adultes. Du coup, j’avais un vocabulaire qui était très soutenu et les profs faisaient que de me le répéter. Petit à petit j’ai essayé de me fondre dans la masse, de faire comme les autres pour pas être identifiée comme la fille qui parle comme ceci ou qui fait comme ça. 

Quand je suis arrivée à l’école Nikola Tesla, l’âge n’a plus compté, parce que je parlais avec des gens qui avaient 11 ans et la maturité de quelqu’un de 17 ans comme moi par exemple. Je me suis dit “En fait, l’âge ça veut peut être dire quelque chose pour certains, mais dans certaines circonstances ça ne veut rien dire”. Il y a des gens qui ont des âges différents et différentes mentalités : ce qui est bien dans l’école, c’est que la personne ce n’est pas un âge, c’est surtout sa manière de penser et de vivre.

Je pense que selon comment tes parents t’ont élevé.e, tu peux avoir l’impression que t’as déjà une place toute faite : t’es un enfant donc tu restes à ta place, tu n’as pas le droit de sortir du cadre qu’on a choisi pour toi. Quand j’étais petite on me répétait souvent “Tu verras quand tu seras grande”. Mais moi je n’avais pas envie de me restreindre à ce qu’on me demandait d’être. C’est comme dans une classe, il y en a qui sautent une classe parce qu’ils ont envie ou que leurs parents les poussent : tu vas pas te dire “Et si je faisais ce qu'ils me demandent de faire”, alors que tu sais qu’il y a une autre place où tu te sentirais mieux ailleurs.


Marie-Lyna : personnellement, l’âge c’est un gros problème dans ma vie parce que c’est mon plus gros complexe. Les adultes ne me prennent pas au sérieux. Ils me disent que je n'’ai pas d'avis à avoir à mon âge, que je n’ai pas encore vécu des choses qui me permettent d’avoir un avis. C’est ça qui m’énerve le plus. Mais j’ai remarqué que les personnes qui avaient ces préjugés, c’était souvent des personnes de plus de 35 ans environ. Les gens de 20 ans, quand je reste avec eux, il n’y a aucun problème, c’est les gens avec qui je m’entends le mieux j’ai l’impression, et aussi des plus jeunes.


Clara : est-ce que finalement on est en train de parler d’un “choc des générations” et de tous les préjugés qui en découlent ?


Morgane : Des fois j’ai l’impression d’avoir vécu la vie d’une vieille dame âgée et de m’être pris un train sur la tête. Je me dis, “Oulala, toutes ces choses qui me sont arrivées, quand est-ce que ça va s’arrêter ?” Des fois je me dis qu’on vit tous plein de choses et que pour certains, notre enfance s’est arrêtée rapidement, comme si on avait loupé notre enfance.

L’adolescence c’est un peu ça : j’étais enfant il n’y a pas si longtemps que ça et pourtant on voit qu’on va devoir devenir adulte sans pour autant qu’on nous donne l’impression que ça va bien se passer. On nous dit “Maintenant il va falloir prendre tes responsabilités”, de manière lourde. 

L’enfance, on te dit que c’est tout léger, tout sucré, alors que quand t’es ado on t’assimile à un punk sataniste qui fait la guerre à ses parents. Et finalement quand t’es adulte, on te dit qu’il faut être bien rangé, avoir une maison et des enfants. C’est un peu ça l’histoire que la société actuelle te raconte. Alors que les jeunes d'aujourd'hui, on a envie de dire “C’est bon laissez-nous tranquille, laissez nous faire comme on a envie”.


Clara : quels souhaits avez-vous pour l'avenir toutes les deux ?


Morgane : En ce moment on nous parle beaucoup d’écologie et ça me donne encore moins envie de faire des enfants. J’aimerais, dans quelques années, quand ça sera le moment où j’aurais envie d’avoir des enfants me dire “J’ai fait en sorte que le monde soit cool pour mes enfants. Je ne les laisse pas dans un endroit hostile, j’ai fait en sorte que ce soit pas trop miteux quoi.


Les conditions de la femme, des enfants… tellement de choses à changer.

Il y a beaucoup de choses que je changerai si je le pouvais, rien qu’avec l’écologie, c’est alarmant tout ce qu’il faut faire. 

Et aussi avec le concept de notre école, à Tesla, même si nos écoles ne conviennent pas à tout le monde, j’aimerais que notre méthode soit plus accessible, mais genre vraiment accessible quoi. Et qu’on ne soit pas jugés, que ça paraisse normal.


Marie-Lyna : Je pense que le point commun entre toutes les discriminations, c’est l’égoïsme. Mon souhait pour le futur ça serait que les gens ne soient pas sectaires, pas tout le temps avec les mêmes personnes. Que tous on accepte que chacun est différent, qu’on arrête d’avoir des jugements et que tout le monde s’entende avec tout le monde : on n’est pas d’accord sur des tas de choses, mais ça ne veut pas dire qu’on en peut pas vivre ensemble !

Si on n’a pas la même chose, si on n’est pas la même chose, ça ne doit pas être une excuse pour refuser de vivre ensemble...

Et finalement tout le problème, c’est l’éducation : si les discriminations continuent, le sexisme, l’homophobie, le racisme, l'environnement, c’est à cause de l’éducation… si tout le monde était élevé par des écolos, des gens qui frappent pas leur femme et bien... il n’y aurait pas de problèmes.


Clara : Alors, quels souhaits avez-vous pour l'éducation de demain ?

Morgane :

Quand t’es ado, tu fais le tri de tout ce que t’ont transmis tes parents : on t’a dit “Ça faut pas y aller, c’est pas bien” et t’as envie de répondre “Et bah tu sais quoi, je vais aller y voir par moi-même pour être sûre que c’est si mauvais”.

On te dit “ça c’est le respect, c’est cool pour être bien dans la vie”, tu te dis “Ok ça, ça peut me servir dans la vie”. Bref, tu fais le tri, tu prends conscience de tout ça et tu prends de la distance. Et je pense que c’est super important de se dire “Ok je prends ce qui est bon pour moi, c’est à moi de construire ma vie pour moi et pas pour faire plaisir à mes parents”. Ça ne veut pas dire qu’il faut tout jeter, ça veut juste dire que j’ai appris des manières de faire mais que je besoin de trouver mes propres manières de faire qui me conviendront peut être mieux.


Mon souhait plutôt, ça serait peut être que les parents, les adultes, arrêtent d’éduquer en transmettant des peurs. 

Des fois je croise des parents qui sont d’une violence ! Genre dans le supermarché ils hurlent, mettent des torgnoles à leur gosse. Mais pourquoi ils ont le droit d’avoir des enfants eux ?

Si tu prends conscience de toutes les violences qu’on commet sur les autres et qu’on a reçues, ça peut enfin changer. Ce qui est triste c’est que souvent tu commets des violences parce-que toi aussi tu en as reçues.


On n’a pas tous le même degré de sensibilité mais je pense que notre société censure la sensibilité.  Si tu fais ça, tu empêches l’empathie des uns vis à vis des autres. Si tu la censure, tu étouffes la personne et tu l’empêche d’être elle-même.


Clara à Marie-Lyna : et toi c’est quoi ton conseil pour l’avenir ?

Je dirais : essaye de connaître ton prochain, avant de le juger.


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