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  • Photo du rédacteurBlog Ecole Nikola Tesla

Vivre nos différences

Dernière mise à jour : 15 nov. 2018



Mais alors... à quoi sert l’école ?


Quelle est la réelle mission de l’école ? C’est une question à laquelle nous sommes souvent amenés à réfléchir, car toujours plus d’éléments, de familles, de personnes nous la posent. Je dirais qu’il est d’abord question d’objectifs. Sans pour autant adhérer à ses théories, je laisserai la parole à Émile Durkheim*, qui donne une définition assez simple de la mission que l’on accorde généralement à l’école, en posant le paradoxe des différentes manières d'aborder l'éducation.

*sociologue français considéré comme l'un des fondateurs de la sociologie moderne et qui a beaucoup enseigné la pédagogie et la sociologie de manière distincte.


Pour chaque société, l’éducation est « le moyen par lequel elle prépare dans le cœur des enfants les conditions essentielles de sa propre existence".
“Dans chaque société, il y a autant d’éducations spéciales qu’il y a de milieux sociaux différents.[...] Sans doute, toutes ces éducations spéciales reposent sur une base commune. Mais cette éducation commune varie d’une société à l’autre. Chaque société se fait un certain idéal de l’homme. C’est cet idéal qui est le pôle de l’éducation". Éducation et sociologie (1922)



Ensuite, les questions fusent : Qui éduque qui ? Quand s'arrête l'éducation ? Et surtout, qui pose les objectifs de l'éducation à l'école ? Gouvernements ? Sociétés ? Éducateurs ? Parents ? … Enfants ?

L’école, instrument de construction de la citoyenneté républicaine.


Dans sa volonté d’unifier, de transmettre les valeurs de la Ŕépublique et de rendre réelle l’application des droits de l’homme et du citoyen, l’école se donnait pour mission de fédérer, et d’enraciner l'idée républicaine dans les mentalités. Selon le principe fondateur de la République - "Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple." -, elle se voulait l’espace et le temps où l'on forme les citoyens de demain à la critique, au dialogue, à la liberté. L’école c’est donc l’endroit où l’on donne les clés à l’enfant pour s'épanouir et maîtriser son destin. Mais alors, pourquoi cela ne marche pas ?

Force est pour nous de constater, que cette volonté d’unifier s’est faite dans la peur et la lutte - que je trouve, certes, légitimes - contre la division, la discrimination, l’exclusion, le communautarisme ou encore l'obscurantisme (j’entends par là la volonté de maintenir une personne dans l'ignorance) etc. La peur d’être soi-même, de reconnaître l’autre, sa différence, se traduit par le conformisme, le lissage et l’uniformisation des mentalités.

Moi j'ai vécu l'école de cette manière : c’est dans le terreau de cette peur de la confrontation des différences que s’est construit le principe de laïcité. En tous les cas, c’est ce que j’ai retenu des enseignements et de la manière dont ils m’ont été présentés, dont on me les a fait vivre dans mes établissements. Issue d’une école de petit village, on ne m’a pas expliqué le racisme, la religion, le genre, le handicap. Arrivée au collège en ZUP (Zone urbaine prioritaire), les cours d’instruction civique et morale, aux accents disciplinaires, se sont transformés en séances de sophrologie pour nous préparer aux examens qui nous rendaient anxieux (merci à cette professeure !). Au lycée, établissement privé catholique, l’éducation à la religion ne mentionnait ni le bouddhisme, ni le shintoïsme et encore moins le taoïsme. L’école, dont l’intention est légitime à l’origine, prétend que pour être soi-même, il faut d’abord nier ses intérêts propres, ses passions pour s’adapter, se transformer, prendre de la distance à soi, se fondre dans une identité commune. L’école traditionnelle, dans un premier temps, fait le choix de ne pas laisser de place, pourtant cruciale, à l’expression de nos différences, de nos particularités. Elle choisit de concentrer ses efforts sur l’apprentissage d’une identité collective, standardisée, peut-être fictive, plutôt que d’entamer le chantier épineux de l’acceptation de nos différences. Il me semble que cet étouffement volontaire du soi nous vienne d’une peur quasi viscérale, celle de libérer les passions et les déchaînements de notre nature humaine. Bassinés à coup de grands “l’homme est un loup de l'homme”, formatés à la psychanalyse freudienne qui affirme que l’homme doit être contrôlé car son inconscient, son “ça” recèle ce que nous avons de plus malsain, nous avons cru à la grande histoire comme quoi l’homme est un animal à domestiquer, voué à écraser et dominer tout ce qu’il se trouve sur son passage. Je suis persuadée que cela est faux. Quand j’observe les enfants dès leur plus jeune âge : je vois qu’ils apprennent le monde par imitation et au même titre que toutes les autres espèces, ils savent et sentent qu’ils doivent s’adapter à une société, à une culture et reproduisent ce qu’ils voient. Mais ils savent aussi coopérer !


Les difficultés de l’école à favoriser le vivre ensemble et l'état fragile de la société “démocratique” doivent nous pousser à trouver des solutions pour améliorer notre vie en collectif.



Éduquer à la citoyenneté : comment se vit l'égalité

Dans nos sociétés dites “démocratiques”, le système éducatif traditionnel est aujourd'hui confronté à des phénomènes de violence scolaire (harcèlement, discriminations, agressions, exclusions, etc.).


Difficile d’éprouver les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité dans un contexte de pression intense, de ... gestion de masse. Cette corrélation entre sentiment d'injustice, de désespoir, de perte de motivation ressentis par les élèves et la ségrégation scolaire, ne permet pas toujours de ressentir ces dernières. Pour moi, c’est le fait vivre la tolérance, l'égalité, la coopération, qui nous permet de le comprendre. C'est l'expérience-même de l'école qui s'ancrera en nous, dans les apprentissages formels, plutôt qu'enseignés en classe !


Pourquoi nos écoles sont démocratiques

L'éducation à la citoyenneté démocratique n'est pas un idéal prenant appui sur de grands principes sans rapport avec la réalité. Elle a pour mission de prendre au sérieux la coexistence des identités, dans toute sa dimension conflictuelle, parfois décourageante.

L’école, telle que nous la concevons doit permettre à l’enfant de s’affirmer, de construire son identité, sans pour autant qu’il ne se mette une étiquette. Nous n'avons pas peur de la revendication identitaire, chez nous elle devient réussite. Au sein d’une gouvernance démocratique où chaque voix compte pour un, nous cherchons et expérimentons dans le même temps des manières de vivre ensemble, de décider ensemble, de faire preuve d'empathie, de respect, tout en considérant l'unicité d’autrui.


Il me semble que s’éduquer à la tolérance les uns les autres, parents, éducateurs, amis, familles, professionnels, collègues, reste la clé d’une vie riche et pleine de surprises. Car l’Autre, source de conflit, limite à ma liberté, peut devenir enrichissement infini. Il est l’inconnu de l’équation qui nous permettra d’être nous-même, pleinement : miroir de nous-même, il nous pousse en dehors de nous, de nos conceptions du réel, il nous pousse à grandir, à apprendre, même si parfois cela nous est désagréable.


Prendre conscience, assumer, affirmer et partager sa différence prend du temps, nécessite réflexion, connaissance et compréhension de soi et de l'autre.


À l’école, les interactions sont au cœur même des apprentissages.

Ce sont les diverses expériences, histoires, connaissances, points de vue, et échanges qui constituent l'électricité, le courant qui anime la vie de l'école, éclaire nos esprits, fait tourner nos turbines et... grandir notre humanité. C’est ce qu’on appelle les apprentissages libres et autonomes !




“L’humanité entière est faite de cas particuliers, la vie est créatrice de différences, chaque personne, sans exception aucune, est dotée d’une identité composite”. - Amin Maalouf

C’est la seule chose que j’ai vraiment envie que vous reteniez aujourd’hui.

Cette phrase, énoncée comme une vérité, sonne en fait comme une conclusion. La conclusion d’une longue réflexion, le récit d’une vie.


Quand je suis entrée dans notre école, en Décembre 2017, c’est cette phrase qui s'est imposée à moi, dans un vertige, ouverture du morceau de vie que j’allais partager avec tous les membres de l’école Nikola Tesla. Après 12 mois à vivre aux côtés de toutes les personnes qui font le choix d’entrer ou de soutenir notre école, c’est également cette phrase qui résonne chaque jour dans ma tête. Pourquoi ? Parce-que je la vis pleinement. Et en plus de la vivre, je la vis bien. Je veux dire par là que, aussi vertigineuse soit l’expérience de l’autre et de soi, mon expérience du quotidien me montre qu’il est possible de vivre ensemble avec cette multiplicité d’identités, sans pour autant nous "étriper" les uns, les autres.

Tous les jours, je constate qu’on ne peut résumer les personnes à de simples étiquettes, à leur simple histoire, aux choix qu’elles ont fait, aux regards qu’on porte sur elles, que la société porte sur elles et qu’elles-mêmes se renvoient. Et je ne pense pas me tromper en affirmant que chaque personne ayant vécu au sein de notre école serait d’accord avec ce constat : c’est en s’acceptant soi même, en réconciliant toutes nos facettes, qu’on est capable d’accepter l’autre.


« Je suis contente que tu restes à l’école » - Une membre active de l'école

Fraîchement débarquée au sein du petit collectif de jeunes, je me retrouve propulsée dans un bouillon de relations humaines, lieu de socialisation infinie. Le temps de la vie, la vraie, semble en fait reprendre son cours et j’avance de découvertes en découvertes, toujours plus confiante dans ce que j’entreprends ici.


Encore merci à tous ceux avec qui je partage mon quotidien, je vous aime !

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